Curieux et tragique destin que celui de la famille de ce François Besson, débarqué du transport d'Etat "Ardèche" le 12 octobre 1872 à Dellys avant d'être acheminé vers le site retenu pour fonder le village de Bois-Sacré. Il fait partie d'un contingent mixte d'émigrés en provenance essentiellement des villages de Castellar et Moulinet dans l'arrière-pays mentonnais et il s'est embarqué avec une domestique et deux des enfants issus de son mariage. Sur place, en Algérie, le 9 mars 1873, l'instituteur en retraite François Besson participe au tirage au sort des lots de colonisation du village qui commence à pendre forme : il reçoit une concession de 26ha 38a 50 ca composée d'un lot urbain (4.50 ares) destiné à recevoir une maison, d'un lot de jardin pour des cultures de première nécessité (30 ares) et de 3 lots de cultures disséminés sur le territoire de la nouvelle commune. Comment un simple Instituteur a-t-il pu devenir colon-concessionnaire en Algérie ? Voici son histoire...
François Besson est né le 1° mars 1824 à Yvetot (en Seine alors Inférieure), Rue des Arpents, de Jean-François, fabricant (sic) et de Rose-Prudence Dufresne, mariés le 8 juillet 1823 à Valliquerville (76). On le retrouve quelques années plus tard dans l'Allier, à St-Donat, entre La Bourboule et Bort-les-Orgues, où il exerce comme instituteur. Le 24 février 1847, il y épouse une fille du pays, Jeanne Manaranche, née le 19 août 1826 de Michel et Marguerite Brugeat. Cinq enfants vont naître de cette union et jalonner un parcours qui aboutira à Bois-Sacré. Les deux filles aînées naissent à Vernusse, dans la région de Saint-Pourçain-sur-Sioule : Mathilde-Rose, le 19 mai 1853 suivie de Françoise-Delphine, le 5 novembre 1854. C'est à Vendat, tout près de Vichy que naît Eugène en 1856. L'appel du sud semble irrésistible puisqu'Amélie suivra, le 27 février 1863 à… Peillon, dans les Alpes-Maritimes. Le 25 novembre 1865, François Besson est installé comme instituteur à Moulinet où il reste jusqu'au 22 février 1867, remplacé par Cyprien Chardon. Et Pierre-Joseph verra le jour à Castellar le 22 avril 1869. Dans sa nouvelle résidence, outre les fonctions d'instituteur, François Besson exerce également celles de Secrétaire de Mairie et il n'est pas rare de le trouver cité comme témoin lors de l'établissement de nombreux actes de l'Etat-Civil local.
Outre-Méditerranée, Mathilde épouse Louis-Léon Chazalon le 30 mars 1875 à Rébeval. Le marié, qui est originaire de l'Ardèche, demeure à Isserbourg et la famille Besson habite à ce moment, curieusement, à Ben N'Choud, sur la rive droite du Sébaou, à 2 kilomètres du village (Aucune explication n'a encore été trouvée pour ce... "dépaysement"). Néanmoins, on notera la naissance de deux enfants à Bois-Sacré (commune de rattachement de Ben N'Choud) : Armand-Louis-François, le 31 octobre 1883 et Eugène-Ernest-Armand, le 8 août 1887. Quelques années plus tard, devenue veuve, Mathilde sollicite une concession à Isserbourg (Dossier 2M152A). Elle a encore trois enfants avec elle : Hélène, Armand et Albert.
Le 23 juillet 1877, Delphine se marie à son tour avec Jean-Pierre-Ernest-Gilbert, originaire du Calvados, chapelier de son état et résidant "provisoirement" à Bois-Sacré. Louise-Eugénie-Ernestine-Rose voit le jour le 27 avril 1878 ; elle décèdera le 6 janvier 1955 à Tizi-Reniff. Jules-Léon-Louis lui succèdera le 17 juillet 1880. En l'absence de documents plus précis (il semble bien que le couple Gilbert n'ait pas demandé de concession de terres), c'est vraisemblablement cette même Delphine, devenue veuve elle aussi, qui donne le jour en sa maison, à Bois-Sacré, à un enfant né de père inconnu : Marcel-Pierre-Adrien le 8 juin 1890. Il décèdera 6 mois plus tard et Delphine lui survivra quelques mois : elle meurt, à son tour, le 2 avril 1891 à l'Hôpital de Dellys.
Et en quelques années, la "grande faucheuse" va quasiment décimer cette famille qui a pourtant tellement "bourlingué". C'est tout d'abord le benjamin, Pierre-Joseph, qui décède le 7 mars 1881. Deux ans et demi plus tard, le 10 août 1883, c'est Amélie que l'on porte en terre. Chagrin, maladie, autre raison... François s'éteint, à l'Hôpital de Dellys lui aussi, le 26 novembre 1883. Il ne verra pas la disparition d'Eugène, le 15 octobre 1885 : le benjamin des garçons était devenu Secrétaire de Mairie tout en s'occupant des terres familiales. Le 18 octobre 1889, Jeanne Manaranche rend le dernier soupir.
A Abbo, la mémoire des Besson avait totalement disparu, bien avant le retour définitif en 1962.